Monsieur le Président,


Lors du mandat de la Suisse au Conseil, j’ai eu l’honneur de présider le comité créé par la résolution 1718 (2006) concernant la République populaire démocratique de Corée. A ce titre, j’ai eu le plaisir de diriger plus d’une quinzaine de réunions de différents formats, circuler 466 notes, signer 242 lettres et d’approuver, au nom du Comité, 48 demandes d’exemptions humanitaires aux mesures de sanctions. Dans ce travail, j’ai été appuyée de manière exemplaire par l’équipe du Secrétariat, que je voudrais chaleureusement remercier à travers la personne de sa directrice, Claudia Banz. Je voudrais également remercier tous les membres du Comité de leur coopération durant les deux dernières années écoulées. Enfin, j’aimerais aussi remercier mon équipe, qui a fait un travail absolument impeccable.
Ces statistiques peuvent apporter un semblant de réconfort dans notre bilan et il semble évident que les mesures de sanctions les plus complexes en vigueur vont de pair avec une charge de travail particulièrement délicate et lourde.


En même temps, ces chiffres ne doivent pas nous tromper sur la menace globale grandissante que représente le programme d’armement nucléaire et balistique de la RPDC, les tensions globales et leur impact délétère non seulement sur le bon fonctionnement du Comité, mais sur toute l’architecture du désarmement et de la maîtrise des armements.


J’aimerais évoquer trois défis majeurs auxquels le Comité a dû faire face et qu’il devra surmonter dans le futur afin de remplir le mandat qui lui est donné par ce Conseil.


Premièrement, la mise en oeuvre défaillante des mesures de sanctions, et les contradictions qui empêchent le Comité de remplir une de ses fonctions centrales, c’est-à-dire le suivi de la situation. Le véto opposé au renouvellement du mandat du Groupe d’experts n’en est que la conséquence la plus visible, alors que nous n’avons pas été en mesure de nous mettre d’accord, même sur des questions purement techniques.


Si nous voulons véritablement maintenir les mesures de sanctions comme un instrument efficace du Conseil pour le maintien de la non-prolifération nucléaire, une prise de conscience est nécessaire. Un délitement continu du système, qui depuis plus d’un demi-siècle restreint l’accès à l’arme la plus meurtrière jamais développée, est un manquement grave à notre devoir de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il en va de notre responsabilité envers tous les États membres.


Deuxièmement, avec la fin du Groupe d’experts, qui pendant 15 ans avait appuyé le Comité dans son travail, nous avons perdu un instrument d’information et de communication fondamental. Son expertise profitait non seulement à nos délibérations au sein du Comité, mais ses rapports informaient également les États membres et le public sur la mise en oeuvre des mesures de sanctions, de leur impact et des possibilités de leur adaptation aux circonstances changeantes. Si nous avons, avec le soutien des membres du Comité, entamé la tâche d’exploiter de nouvelles sources d’information, nous restons loin de pouvoir compenser cette perte.
Il me semble évident qu’un nouveau mandat du Groupe d’experts par le Conseil est la solution la plus désirable – et d’ailleurs la seule qui puisse effectivement soutenir la mise en oeuvre du mandat de ce Comité. En attendant, le Comité continuera de dépendre d’informations fournies par des États membres et certaines organisations, qui individuellement ou dans le cadre de groupes, présenteront, comme par le passé, des rapports sur des violations des mesures de sanctions. Privés de leur propre Groupe d’experts, les membres du Comité devront eux-mêmes analyser les rapports qui leur seront transmis.


Troisièmement, si les sanctions visant le programme d’armement nucléaire de la RPDC sont les mesures les plus élaborées parmi les régimes de sanctions du Conseil, le processus d’exemption humanitaire l’est également. Comme ce Conseil l’a encore démontré la semaine dernière avec l’adoption de la résolution 2761, les sanctions du Conseil ne sont pas adoptées à l’encontre la population civile et ne sont pas censées avoir d’impact humanitaire. Le Comité 1718 n’a ainsi jamais perdu de vue la population de la RPDC. Toutes les demandes d’exemptions humanitaires soumises lors de notre mandat ont été approuvées, selon les procédures accélérées, établies par nos prédécesseurs. Nous nous félicitons également du fait que le Comité 1718 ait été le premier à mettre à jour ses procédures suite à l’adoption de la résolution 2664.


Malgré cela, les lourdes restrictions mises en place par la RPDC ces dernières années en lien avec la pandémie ont été un obstacle majeur à l’assistance humanitaire internationale. Si nous saluons l’ouverture des frontières, celle-ci doit aller de pair avec un accès rapide, sûr et sans entrave de l'aide humanitaire. Pour y parvenir, l’entrée en RPDC du personnel international est essentielle.


Monsieur le Président,


Le désarmement et la non-prolifération nucléaire ont toujours été une priorité de l’ONU et de ce Conseil, et dans le cadre du Pacte pour le Futur, nous nous sommes tous engagés à les renforcer et empêcher toute érosion des normes internationales existantes. Nous ne devons pas échouer dans cette tâche. Pourtant, malgré nos propres efforts et le soutien de nombreux membres du Comité, les signes de relativisation sont particulièrement visibles au sein du Comité 1718 et je regrette de remettre un legs difficile à ma succession.


J’affirme pourtant que cette dernière ne restera pas seule dans sa tâche, car la volonté, non seulement au sein de ce Conseil, mais également parmi les États membres, en faveur d’une solution politique à la question du programme nucléaire et balistique de la RPDC se fait clairement sentir. A cette fin, le Conseil devra pourtant sortir de son silence sur la question.


S’il se décide à le faire, je suis convaincue que le Conseil trouvera au sein du Comité 1718 le lieu adéquat pour réaliser l’objectif d’une péninsule coréenne dénucléarisée et en paix. Nous devons transformer les espoirs en actions concrètes.


Je vous remercie.

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