Merci, Monsieur le Président.
Permettez- moi tout d’abord, de vous dire combien cela est un honneur de pouvoir parler, comme représentante d’un pays de taille relativement petite, jeune membre des Nations Unies, premier mandat au Conseil, mais avec une riche histoire de coopération de plus de quatre décennies avec les pays du continent africain, de l’histoire et de la sous-représentation de celui-ci au sein de ce Conseil. Merci de nous donner cette occasion qui me rend humble. Je voudrais également remercier notre Secrétaire général qui – non seulement dans son discours aujourd’hui mais dans son Nouvel Agenda pour la Paix - présente un plaidoyer clair pour une réforme de ce Conseil, et le Président de l’Assemblée générale et docteur Mbete de leurs interventions éclairantes.
En effet, quand 50 pays se réunirent à San Francisco au printemps 1945 pour négocier notre Charte, il n’y avait que quatre pays africains, nous l’avons entendu, parmi eux. Et pourtant, le chef de délégation du Libéria, Clarence Lorenzo Simpson, dit quelque chose qui reste importante pour des pays comme le mien jusqu’à ce jour : « …for not possessing the means to wage war, the dreams and hopes of small nations are only of world peace and the security of their rights and independence. »
En ce qui concerne le troisième rêve et espoir de Simpson, l’indépendance, la Charte a prévu des articles sur l’auto-détermination dans ses Chapitres 11, 12 et 13 – et les Nations Unies auront pu accompagner beaucoup de pays africains sur leur chemin vers l’indépendance. Aujourd’hui, non seulement nous comptons 54 membres africains des Nations unies, mais la richesse et la diversité de leurs contributions est omniprésente et indispensable à l’ONU, des contingents de casques bleus aux uniques exemples de prévention et résolution des conflits, souvent au niveau local, aux formes innovantes pour augmenter la durabilité.
Madame Mbete l’a soulevé, 40% des jeunes dans le monde vivront sur le continent africain d’ici 2050. Les jeunes Africaines et Africains joueront donc un rôle clé pour la construction de l’avenir du monde. Si ce Conseil veut rester crédible et pertinent, et également s’orienter vers le futur, il doit donc évoluer avec ce monde de demain et offrir une meilleure représentation au continent africain, sous-représenté depuis si longtemps, malgré la forte présence de contextes africains dans les décisions et discussions de ce Conseil. La Suisse soutient l’engagement des pays africains à jouer le rôle qui leur revient sur la scène mondiale. La réforme du Conseil de sécurité est une étape nécessaire et urgente pour rendre ce Conseil plus représentatif, plus responsable et plus efficace.
Monsieur le Président,
En ce qui concerne le deuxième rêve et espoir de Simpson, la garantie de nos droits, nous avons observé – avec l’adoption de la Charte et d’une multitude d’instruments de droit international et de droit humanitaire – un grand progrès au sein de la communauté internationale. Et pourtant, les peuples des Nations unies se voient aujourd’hui confrontées au plus grand nombre de conflits, de violence, de morts, de blessés, de déplacés, oui, se voient confrontés à une déshumanisation choquante.
Même les meilleures réformes n'apporteront pas plus de paix et de sécurité dans le monde si la Charte de l'ONU ainsi que le droit international et le droit international humanitaire ne sont pas respectés, voire systématiquement bafoués. Tous les États membres ont l'obligation et la responsabilité de non seulement respecter la Charte, mais aussi de mettre en œuvre les résolutions de ce Conseil. Le Conseil de sécurité doit quant à lui agir de bonne foi au nom des États membres de l'ONU. Cela demande une recherche inlassable de la paix, basée sur le droit international et un dialogue systématique avec les États directement concernés. Les méthodes de travail du Conseil sont essentielles pour renforcer sa responsabilité, sa cohérence et sa transparence, et donc la légitimité et la mise en œuvre de ses décisions. C’est pourquoi, pour la Suisse, l’amélioration des méthodes de travail reste une priorité. Et l’amélioration des méthodes implique une utilisation restrictive du droit de veto, tel que proposé par le Code de Conduite du groupe ACT par lequel 130 pays se sont engagés à ne pas voter contre des résolutions dans le cas de génocide, crimes de guerre ou atrocités de masse – des crimes qui ont gravement frappé le continent africain au long de son histoire.
Monsieur le Président,
Venons-en finalement au premier rêve et espoir du chef de délégation du Libéria à San Francisco : l’aspiration à une paix globale. C’est la tâche primordiale de cet organe, du Conseil de sécurité. Et, je pense que nous serons toutes et tous d’accord, il ne la remplit pas. Certainement pas assez et pas assez bien.
Non seulement une plus grande représentation des pays africains au Conseil de sécurité est-elle impérative. Il s’agit de fonder davantage son travail sur l’expertise régionale et locale. Ce Conseil peut par exemple apprendre des succès de la Commission de consolidation de la paix dans certains contextes africains, mais aussi d’excellentes initiatives africaines comme le Panel des Sages, le WiseYouth Network ou FemWise. Ce sont des instruments de diplomatie préventive qu’il s’agit de soutenir et d’utiliser davantage. Permettez-moi de souligner en particulier le rôle important que les femmes médiatrices africaines pourront jouer dans la résolution des conflits, sur le continent, comme ailleurs dans le monde.
Dans la même veine, la Suisse encourage une intensification des échanges entre ce Conseil et le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine. Il s’agit d’augmenter la compréhension mutuelle et la cohérence de notre action. Les échanges annuels entre les deux Conseils permettent d’aborder ensemble les questions de paix et de sécurité, basé sur une approche régionale et une vision globale. Je me réjouis donc de pouvoir accueillir, en octobre, sous présidence Suisse, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine pour des discussions approfondies, par exemples sur le rôle de la jeunesse, la mise en œuvre de la résolution 2719 sur les opérations de paix ou sur le climat et la sécurité.
Monsieur le Président,
Dans son Nouvel Agenda pour la paix, le Secrétaire général définit trois facteurs clés : la confiance, la solidarité et l’universalité. Pour les garantir, et ainsi renforcer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, les contributions africaines sont et resteront essentielles. Le Pacte pour l’avenir nous offre l’occasion d’appeler à l’unisson à un Conseil de sécurité plus représentatif, efficace et responsable.
Permettez-moi ainsi de conclure par un adage africain qui dit : « Quand la musique change, la danse doit faire de même. » Il est donc grand temps que le Conseil s’adapte à la musique du 21e siècle.
Je vous remercie.