Monsieur le Président,

La Suisse remercie l’Albanie de l’organisation de ce débat sur un sujet important pour la Suisse, qui connait une longue tradition humanitaire. Je remercie aussi bien entendu aussi les intervenantes et intervenants de leurs contributions.

Je pense que c’est désormais plus que clair, et le Ministre de l’Albanie nous l’a rappelé : nous sommes confrontés à une crise globale de l’humanitaire. Le monde est en proie à plus de 100 conflits armés, conflits qui durent de plus en plus longtemps. Le nombre de personnes déplacées a plus que doublé au cours des dix dernières années. Le nombre de personnes ayant des besoins humanitaires a plus que quintuplé ! La Directrice du Programme Mondial Alimentaire nous a donné les chiffres impressionnants dans le domaine de la sécurité alimentaire. Alors que la détresse augmente, le financement diminue. En 2022, seule près de la moitié des besoins humanitaires mondiaux étaient financés.

Mon premier constat est aussi évident qu’alarmant : L’écart entre les besoins humanitaires et la capacité à y répondre ne cesse de croître. Nous en connaissons les causes : les effets néfastes du changement climatique, les faiblesses de gouvernance, les conséquences de la récente pandémie ainsi que les conflits armés. Inversement, tout différend qui est résolu de manière pacifique, tout conflit qui trouve une sortie politique, contribue à endiguer les besoins humanitaires. Ce Conseil se trouve donc ici en première ligne.

Mon deuxième constat est pourtant encourageant : la réduction des besoins humanitaires est possible si nous investissons davantage dans l’action anticipatoire basée sur l’évaluation et la gestion des risques, et si nous travaillons en partenariat.  

Nous l’avons entendu, les nouvelles technologies peuvent jouer un rôle important à cet égard. Elles rendent les systèmes d’alerte précoce plus efficaces, tout comme le traitement des données – dont la collecte, l’utilisation et le déploiement doivent, bien entendu, toujours être sûrs et responsables. En outre, ne sous-estimons pas l’importance, par exemple, d’une connexion internet stable et sûre. Celle-ci permet aux personnes de s'informer et à l'aide nécessaire d'atteindre rapidement les personnes dans le besoin. C’est donc parfois une question de survie.

Afin de profiter pleinement de l’innovation, ce débat tombe à pic, car il faut renforcer davantage les partenariats entre les secteurs public et privé. La Suisse a une longue expérience en la matière, que je me permets d’illustrer par deux exemples assez simples.

Premièrement, l’initiative « Humanitarian and Resilience Investing » lancée en 2019 par le Forum économique mondial de Davos, vise à encourager les investissements de capitaux privés dans des opportunités financièrement durables pour les communautés dans des contextes fragiles.

Deuxièmement, la Suisse soutient depuis les années nonante l’aide en espèces et en bons. En se basant sur les marchés locaux, en investissant dans des petits commerces dirigés par des femmes, cette assistance permet aux personnes touchées par une crise ou une catastrophe de couvrir rapidement leurs besoins les plus urgents. De plus, elle stimule la demande locale et contribue ainsi à la création de moyens de subsistance tout au long de la chaîne de valeur, des productrices aux vendeurs. La collaboration avec le secteur privé a nettement amélioré l'efficience de ce type d’assistance et devrait être renforcée davantage.

De notre expérience, nous tirons les leçons suivantes :

Tout d’abord, les actrices et acteurs publics et privés peuvent et doivent adopter des approches communes à court et à long terme, afin de relever les défis spécifiques aux contextes fragiles. De tels partenariats peuvent faire une différence pour des millions de personnes sur le terrain.

Ensuite, les actrices et acteurs locaux doivent être au centre de toute réponse humanitaire. Leur expertise et leurs réseaux méritent d’être mieux intégrés.  

Finalement, malgré les avancées des dix dernières années, le potentiel des partenariats public-privés reste encore sous-exploité. Dans les contextes fragiles, la promotion ponctuelle de modèles de financement mixtes peut aider à réduire les risques. De plus, la sensibilisation du secteur privé aux pratiques éthiques reste importante.

Toute action liée à l'engagement du secteur privé et au financement innovant doit être fondée sur les principes humanitaires et les droits humains. Dans les contextes fragiles, il est par ailleurs nécessaire de renforcer l’exercice de la diligence raisonnable en matière des droits humains, en conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Pour la Suisse, l’ensemble de ces principes s’appliquent sans réserve à tous nos partenariats.

Monsieur le Président,

Pour conclure, je tiens à insister encore une fois sur la responsabilité de ce Conseil.

Les expériences sur les partenariats publics-privés sont aussi discutés au sein de l’ECOSOC et à l’Assemblée Générale. Nous appelons donc à une collaboration plus étroite du Conseil de sécurité avec les autres organes du système des Nations unies en la matière.

Finalement, nous revenons toujours à une même conclusion fondamentale. Je tiens à insister sur le rôle essentiel de la prévention des conflits par ce Conseil, en vue d’une réduction des besoins humanitaires. Ce Conseil doit continuer à rechercher l’unité lui permettant d’agir pour la prévention et la résolution rapide des conflits en vue d’une paix durable.

Je vous remercie.